SWANN THOMMEN

VERS UNE CARTOGRAPHIE SUBJECTIVE SONORE

Direction artistique:

Swann Thommen

Collaboration: Sébastien Munafo

Production: Artistic Lab, Forum Vies Mobiles, Scnf, Paris

2016

Le géographe Sébastien Munafò a proposé à Swann Thommen de venir s’associer à ses recherches. L’objectif : identifier l’incidence des cadres de vie à Genève et à Zurich (ville centre, suburbain et périurbain) sur la mobilité de loisir.

Il a réalisé des captations sonores d’une journée-type de six habitants de Zurich et Genève (résidant soit en centre-ville, soit dans le périurbain), qu’il a également équipés d’un système GPS permettant de suivre leurs déplacements. De cette matière sont nés six montages de six minutes (30 secondes correspondant à une heure) ainsi qu’une série de cartes, de graphiques et de diagrammes, qui donnent à voir et à entendre une diversité de modes de vie mobiles.

Une immersion par les sens qui s’articule à la recherche du géographe Sébastien Munafò : Cadre de vie, modes de vies et mobilités de loisirs.

Le prisme sociologique et géographique de Sébastien Munafò a amené Swann Thommen à repenser les processus du field recording et du sound mapping afin de les faire converger vers les besoins de l’investigation scientifique. C’est la vie des personnes qui a primé et non la nature sonore des territoires. Swann Thommen s’est donc interdit toute demande qui lui aurait permis de capter davantage ou différemment la texture de tel ou tel endroit. Il s’est conformé, sans intervenir, au parcours et à la temporalité propres de chaque personne qu’il a suivie.

Le travail de Swann Thommen permet de se représenter, de façon synthétique, concrète et physique, une journée qu’aucun observateur, engagé sur le terrain, ne serait en mesure de saisir. En isolant les sons, en les séparant de leur contexte initial, en modifiant les combinaisons, en abrégeant les durées, en permettant des écoutes répétées, il vise à révéler des spécificités que le foisonnement du milieu « naturel », ou la temporalité réelle d’une journée rend indécelables. Il nous fait comprendre à quel point notre culture envahit et modèle notre univers sonore et nous invite à réfléchir sur les sons que nos sociétés produisent et les conséquences qui en découlent. L’anthropisation de la Nature est aussi celle de la Nature sonore. Cette prise de conscience montre tout l’intérêt de qualifier, quantifier et tisser des rapports de cause à effets entre espace, mode de vie, et acoustique. Une ambition scientifique plus poussée pourrait amener à répéter l’expérience sur un échantillon plus important de personnes, à l’inscrire sur une plus longue durée et à définir des principes de montage très stricts. Des relevés de niveaux et des repères normés de qualification autoriseraient ainsi les calculs et la mise au point de conclusions statistiques.

Prenons leçon du fait que les collaborations design-science (comme art-science), pour ne pas se limiter à un registre purement illustratif, doivent commencer dès la conception du projet de recherche, avec des méthodes et objectifs assignés à chacun et des croisements attendus. Si l’artiste fait l’effort de s’approprier les outils et le langage du scientifique, il appartient au scientifique de faire le pari d’une tentative d’interprétation du travail réalisé par l’artiste, au moyen de ses outils habituels, d’outils d’autres disciplines (histoire, philosophie, théorie des arts…) ou à travers l’invention d’outils nouveaux.